Par Daniel Bresson – Lagrandeparade.com/ Le Teatro de Bellas Artes de Madrid propose pendant tout l’e?te? de de?couvrir ou rede?couvrir l’adaptation par Josefina Molina et Jose? Samano de la nouvelle de Miguel Delibes. Cette pie?ce, cre?e?e dans cette version il y a de?ja? quarante ans, est pre?sente?e pour la dernie?re fois au public madrile?ne, apre?s une tourne?e de plus d’un an a? travers l’Espagne. Lola Herrera, qui interpre?te le ro?le de Carmen Sotillo depuis sa cre?ation en 1979, fera ainsi ses adieux a? la sce?ne.
Mars 1966. Carmen veille le corps de son mari Mario, professeur et journaliste engage?, mort dans la matine?e a? l’a?ge de 44 ans. Pendant cinq heures, elle va entretenir avec lui un « mono-dialogue » abordant tous les aspects de leur vie commune et donnant l’occasion a? Miguel Delibes de peindre un portrait critique et caustique de la socie?te? espagnole franquiste de l’e?poque.
Le rideau s’ouvre sur Carmen assise au bureau de son mari, vidant un tiroir pendant que des voix des proches rendent hommage a? Mario. Le cercueil, symbolise? par un prisme incline?, occupe le centre du plateau . Des chaises sont place?es autour, en arc de cercle. Le dialogue avec son mari de?funt s’engage. Mais rapidement, les reproches commencent a? fuser. Sur sa place dans le couple, bien image?e par une sce?nographie ou? l’actrice passe de chaise en chaise derrie?re le cercueil, tel un satellite autour d’un astre. Sur la fide?lite? douteuse de son mari alors qu’elle regrette des occasions perdues. Sur sa vie sexuelle rythme?e par la volonte? e?pisodique de son mari. Sur leur manque de moyens financiers qu’elle juge directement lie? aux convictions politiques de son mari « Tu es l’esprit de la contradiction ». Jusqu’a? la Fiat 600 dont elle a toujours re?ve? et qu’elle n’a jamais eu.
Ses souvenirs ressurgissent, mettant en e?vidence ses frustrations dans sa vie de femme. En les e?voquant, Carmen se libe?re tant dans ses paroles que dans ses actes. Elle casse les codes de la biense?ance, posant les pieds sur la chaise, passant devant le cercueil ou interloquant vivement son mari jusqu’a? lui tourner le dos. Ses paroles re?sonnent aussi fort que ses frustrations : « Tu ne m’as donne? aucun plaisir dans la vie ». On rentre dans la vie de cette femme, on sourit parfois des situations cocasses qu’elle e?voque mais qui a? chaque fois la pousse a? incriminer son mari. Ce qui, il y a quarante ans, imposait au public le silence entrai?ne a? pre?sent des rires, a? l’image de l’e?volution de la socie?te?.
A? travers les mots de Carmen, Miguel Delibes passe en revue toutes les bassesses, tous les ste?re?otypes d’une socie?te? ou? le conservatisme social transpire dans la bouche de la petite bourgeoisie. Le texte est pre?cis, percutant, gra?ce a? une langue familie?re qui reste encore tellement vive et touche en plein coeur le public. Il de?crit la condition fe?minine de l’e?poque avec justesse et compassion. Carmen est un produit de son e?ducation, de sa socie?te?, de son e?poque. Elle en est aussi la victime, de telle manie?re que cette oeuvre puisse en devenir fe?ministe, a? la surprise me?me de son auteur.
Et que dire de l’interpre?tation de Lola Herrera ! Sa performance va crescendo au fur et a? mesure que la pie?ce avance. Sa maitrise parfaite du texte, son immersion totale dans le personnage et la justesse de son jeu lui permettent d’atteindre une e?motion pure, rare. Et qui atteint son apoge?e dans les dernie?res minutes de la pie?ce. La re?action du public, debout de?s les premiers applaudissements, ne laisse aucun doute sur sa communion avec l’actrice.
Si vous passez par Madrid, ne ratez sous aucun pre?texte cette opportunite? de voir cette grande dame du the?a?tre une dernie?re fois sur sce?ne dans certainement son plus grand ro?le !
Cinq heures avec Mario
Technicien son/lumières : Manuel Maldonado
Régisseurs : Cristina Berhó et Maite Prieto
Coiffures : Gema Moreno
Secrétaire de production : Pilar Velasco
Administration : Eli Zapata
Création lumière : Manuel Maldonado
Musique : Luis Eduardo Aire
Régisseur son : Mariano Diaz
Régisseur plateau : Rafael Palmero
Directrice de production : Cristina Lobeto
Producteur : José Sámano
Mise en scène : Josefina Molina
Production : Sabre Producciones et Pentacion Espectàculos
Dates et lieux des représentations:
– Du 4 Juillet au 1 Septembre 2019 au Teatro Bellas Artes ( Calle del Marqués de Casa Riera, 2, 28014 Madrid, Espagne)
Le site du théâtre : www.teatrobellasartes.es

