Par Julie Cadilhac – Lagrandeparade.com/ En 2018, le journaliste d’investigation pakistanais Taha Siddiqui quitte son pays natal, avec son épouse et son jeune fils, après avoir été victime d’une tentative d’enlèvement et d’assassinat. Ce roman graphique retrace son histoire depuis son enfance qui, très vite, se déroule en Arabie Saoudite, dans l’espoir d’une vie meilleure, en passant par son retour au pays à l’adolescence… jusqu’à son arrivée forcée en France et son choix de monter un bar où pourront trouver une oreille bienveillante et l’occasion d’une tribune les dissidents du monde entier.
Le lecteur s’attache rapidement à cet enfant intelligent dont les parents se radicalisent peu à peu, sa volonté et ses efforts pour adhérer et s’adapter à cette nouvelle manière de vivre où la prière est régulière, les plaisirs presque tous interdits, les incohérences toutes balayées par les affirmations de l’Iman, ….ses désirs et ses doutes qui croissent lors de l’adolescence et, arrivé à l’âge adulte, son affirmation de plus en plus marquée d’une personnalité qui réfléchit sur ce qu’on lui inculque, refuse de tout cautionner au nom de la religion, prend du recul et s’éloigne peu à peu de sa famille.
La figure du père de Taha est passionnante tant elle syncrétise tout à la fois l’idéalisation du regard de l’enfant qui voyait son père comme un héros – chef de famille mais aussi le regard critique de l’adulte qui a compris l’asservissement et la perte de libre-arbitre d’un père qui finit par ne plus être qu’un pantin au service d’enjeux qui le dépassent. D’autres personnages, notamment les relations amicales et les amours de Taha, ont eux aussi beaucoup d’intérêt tant ils livrent un témoignage passionnant sur une jeunesse déchirée entre l’envie d’être libre et le diktat patriarcal qui pèse lourd sur les consciences.
Un album volumineux mais qui se lit avec beaucoup d’intérêt. Un témoignage passionnant qui vient ici rappeler l’importance de la liberté de la presse, l’importance de la liberté tout court. Comme tous les récits intelligents, celui-là refuse le manichéisme. Il invite le lecteur à réfléchir à la difficulté de vivre dans un pays où le désordre règne et où de nombreux pouvoirs contradictoires se confrontent. Il rappelle que ceux qui sèment le chaos cherchent à récolter la peur, l’obscurantisme, le communautarisme – le meilleur terreau pour l’asservissement des peuples.
A lire, à offrir, à conseiller. Résolument. Brûlant d’actualité.
Dissident club – Chronique d’un journaliste pakistanais exilé en France
Editions : Glénat
Scénariste : Taha Siddiqui & Hubert Maury
Dessinateur : Hubert Maury
Parution : 15.03.2023
Prix : 29€
