Par Guillaume Chérel – Lagrandeparade.com/ Cool Killer, premier roman de Sébastien Dourver, c’est l’histoire d’un concours d’écriture qui dérape : « Débarrassez-vous de vos proches… De cet animateur télé que vous détestez… De vos chefs… Imaginez le « cool scénario » qui va vous permettre de supprimer, d’éliminer enfin tous ceux qui vous dérangent » propose le narrateur.
Vaste programme ! Et c’est trop tentant… Si vous avez lu Extension du domaine de la lutte (le meilleur Houellebecq), vous y retrouverez le dégoût du monde de l’entreprise. Si vous avez lu American Psycho, du meilleur Bret Easton Ellis des débuts, vous aurez compris qu’il s’agit d’une métaphore violente du monde moderne, et brutale, dans lequel le « système » (ultralibéral) Ubérisé, Googlelisé, nous oblige à vivre… Enfin, tente de nous obliger à vivre, car il y a des résistants comme Alexandre Rose : “Avant, j’aimais bien aller au travail. Voir tous ces gens malheureux, ça m’émerveillait. On croise un mec dans l’ascenseur, il a l’air au bord de l’abîme, alors on lui demande si ça va et il répond : On fait aller. Et il sort à son étage, drapé de mystère. Il s’éloigne vers son open space, foulant des carrés de moquette interchangeables “. Jusqu’au jour où cet ingénieur brillant, chez Qtulu, « monstre tentaculaire dans la mer de l’information », pète un câble. Il commence par annoncer à ses enfants qu’il ne les aime pas – ne parlons pas de sa femme Maud, qu’il largue comme une m… – avant de s’en prendre à la société, la sienne, puis dans son ensemble, aliénée, bouffée par les réseaux « soucieux », le monde de la pub/com’ et la télé-réalité, sans parler d’Internet évidemment et des smartphones collés à nos peaux sur-tatouées.
Pour parvenir à ses fins (punir tout le monde), Alexandre décide de les tuer virtuellement, via une sorte de jeu, dérivé des escape games (très tendance en ce moment) nommé Cool Killer. Sauf que le concept dérape. Nous n’allons pas « spoiler » ici. Disons simplement que la première partie du livre est écrit avec rythme et une rage jouissive (Sébastien Dourver maîtrise les gros mots et le verlan manouche en expert). Ça pulse, c’est noir, sombre et cynique à souhait (genre 99 F réécrit par Hubert Selby Junior du Démon, ou le James Ellroy du Dalhia Noir). Il ne faut pas être déprimé… Saluons l’arrivée dans le landernau littéraire français, encore trop souvent classique poussiéreux, de ce jeune coupeur de scalps qui a le mérite de décrire le monde actuel et pas seulement son nombril surdimensionné….
Cool Killer
Editions : De la Martinière
Auteur : Sébastien Dourver
330 pages
Prix : 20 €
Parution : 13 juin 2019
