Par Julie Cadilhac – Lagrandeparade.com/ Texte sensible et émouvant, riche en métaphores, le roman de Jeffrey Eugenides, Virgin Suicides, raconte l’histoire des sœurs Lisbon, issues d’une famille puritaine de Grosse Pointe, une banlieue aisée de Détroit, dans les années 1970. Ronnie, professeur de mathématiques, et sa femme ont cinq filles dans l’adolescence : Cecilia, Lux, Bonnie, Mary et Therese. Un jour, la cadette, Cecilia, se coupe les veines puis, quelques semaines plus tard, se suicide en se défenestrant. Dans cette famille qui semble sans histoire, la mère, souhaitant reprendre les choses en main, décide de déscolariser ses filles, les isolant totalement des autres adolescents de leurs âges. Le roman explique les tentatives des jeunes voisins des sœurs Lisbon pour entrer en communication avec elles, et pour percer, des années plus tard, le mystère de ces filles qui les fascinaient et qu’ils ont, au final, à peine connues.
Katia Ferreira a imaginé une mise en scène pertinente qui entremêle les registres comique et dramatique pour évoquer avec finesse le thème grave du suicide. “First Trip” s’avère un moment de théâtre étonnamment digeste (la pièce dure presque 3h avec l’entracte!) qui exprime avec justesse toute la complexité de la jeunesse, intestinement théâtrale, toujours excessive et à fleur de peau. La distribution de comédien.ne.s conséquente et séduisante à laquelle s’additionne un grand nombre de figurants insuffle du dynamisme au plateau et confère à l’ensemble la sensation de plonger dans une fiction cinématographique à l’américaine ; la musique originale de Florent Dupuis, la scénographie et les costumes vintage instaurent une atmostphère nostalgique – et ancrée dans un espace-temps bien définissable. Les séquences filmées, caméra au poing, qui permettent aux spectateurs de pénétrer davantage dans l’intimité des adolescent.e.s, exacerbent la fraîcheur, la spontanéité et la naïveté des réactions de ces jeunes mais aussi la sensualité des soeurs Lisbon, pouvant s’exprimer là plus effrontément. Déstabilisé, durant toute la représentation, le spectateur s’interroge tout autant que les garçons sur la part de vérité et d’objectivité de son ressenti et de son analyse propre des évènements.
First Trip? Une création qui rappelle aux parents que les enfants ne sont peut-être que “des étrangers avec lesquels on vit un accord tacite” et qu’il faut appréhender en tant que tels – et donc en respectant leur altérité. Une pièce qui, non seulement souligne la nécessité de supporter l’émancipation de sa progéniture, mais mentionne également la part d’insondable du suicide qui exigerait une explication pour ceux qui restent mais demeure dans la majorité des cas une “enquête impossible” aux secrets bien gardés. A voir!
A la gene?se de ce projet…le souvenir marquant du film de Sofia Coppola?
J’ai vu le film de Sofia Coppola au moment de sa sortie au cine?ma, en 1999, alors que j’e?tais moi-me?me adolescente. J’en garde un souvenir tre?s fort. Quelques mois auparavant, une jeune fille de mon colle?ge s’e?tait suicide?e. Je ne la connaissais pas personnellement mais je me souviens que ce drame avait cre?e? une e?motion tre?s vive dans l’e?tablissement scolaire, et dans toute la ville. Je me souviens avoir e?te? tre?s touche?e par le film, parce qu’il me semblait tout a? fait rendre les tourments existentiels que traversaient les gens de mon a?ge. La BO de Air, magnifique, n’a cesse? de me suivre. J’ai de?couvert le roman de Jeffrey Eugenides plus tard, lorsque j’e?tais e?tudiante a? l’ENSAD. J’ai trouve? son e?criture tre?s puissante: j’ai aime? le fait que l’histoire de ces filles soit raconte?e du point de vue de garc?ons. Contrairement au film de Coppola, dans le roman, on ne pe?ne?tre jamais vraiment dans l’intimite? de la maison Lisbon. Le re?cit est pris en charge par un groupe d’hommes, adolescents eux aussi au moment des faits qui, 25 ans plus tard, cherche encore a? comprendre pourquoi ces jeunes filles se sont donne?es la mort au milieu des anne?es 1970. La distance du temps, et la prise de conscience adulte de leurs erreurs de perception lorsqu’ils e?taient adolescents confe?rent au roman une tendresse et un humour tre?s particuliers.
[bt_quote style=”default” width=”0″]Le re?cit est pris en charge par un groupe d’hommes, adolescents eux aussi au moment des faits qui, 25 ans plus tard, cherche encore a? comprendre pourquoi ces jeunes filles se sont donne?es la mort au milieu des anne?es 1970. La distance du temps, et la prise de conscience adulte de leurs erreurs de perception lorsqu’ils e?taient adolescents confe?rent au roman une tendresse et un humour tre?s particuliers.[/bt_quote]
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Comment avez-vous travaille? sur cette traduction sce?nique du roman de Jeffrey Eugenides? A quelles difficulte?s avez-vous e?te? confronte? avec Charly Breton?
Dans un premier temps, nous nous sommes fait les enque?teurs du roman de Eugenides, au me?me titre que les garc?ons enque?tent dans le roman sur le drame des soeurs Lisbon. Tous les come?diens l’ont lu scrupuleusement. Nous avons recense? tous les de?tails, toutes les occurrences sur chaque personnage, nous avons recompose? tous les te?moignages qui sont e?clate?s dans le roman. Nous avons e?te? aussi paranoi?aques avec l’oeuvre que ces garc?ons le sont sur le suicide de ces filles. C’est la? je crois la grande force litte?raire de Eugenides: il parvient a? mettre le lecteur dans le me?me e?tat que ses narrateurs. Le roman est construit comme un puzzle impossible a? rassembler, comme une e?nigme qu’on ne pourrait pas re?soudre. «A? la fin, nous avions des pie?ces du puzzle, mais de quelque fac?on que nous les assemblions, des trous subsistaient, vides aux formes e?tranges de?limite?s par ce qui les entourait, comme des pays que nous ne pouvons pas nommer ». C’est a? mon sens ici que re?side toute la dimension the?a?trale de ce roman. La situation d’e?nonciation est a? la fois tre?s claire et tre?s myste?rieuse: un groupe d’hommes rend compte des conclusions d’une investigation qu’ils ont mene?e pendant 25 ans. On ne sait pas dans quel cadre, mais l’adresse au lecteur est directe. Gra?ce aux te?moignages qu’ils recensent et a? leur propre travail de reme?moration, il sont en mesure de reconstituer des sce?nes de la vie des filles Lisbon, des sce?nes qui leur semblent importantes pour comprendre leurs suicides. Il leur arrive e?galement de « re?pe?ter » certaines de ces sce?nes ( comme au the?a?tre!) pour tenter de voir ce qu’ils n’ont pas vu au moment des faits.
[bt_quote style=”default” width=”0″]C’est la? je crois la grande force litte?raire de Eugenides: il parvient a? mettre le lecteur dans le me?me e?tat que ses narrateurs. Le roman est construit comme un puzzle impossible a? rassembler, comme une e?nigme qu’on ne pourrait pas re?soudre.[/bt_quote]
Les come?diens ont propose? beaucoup d’improvisations, de variations autour de chaque chapitre du roman. Pour les come?diennes qui jouent les filles Lisbon, il y avait un travail tre?s particulier a? mener, en dehors des mots. Comme dans le roman d’Eugenides, elles ne disent dans le spectacle que ce que les garc?ons, ou des te?moignants, les ont entendu dire. Mais il fallait de notre co?te? travailler sur ces trous, sur ces manques. Que pensent-elles? Que ressentent-elles? Que font-elles dans cette maison lorsqu’elles y sont enferme?es? Me?me si les garc?ons les perc?oivent comme « un monstre a? cinq te?tes », qui sont-elles individuellement? Qu’est-ce qui les diffe?rencie? C’est ce travail d’imaginaire qui donne apre?s aux personnages une densite? spectrale particulie?re sur le plateau.
Le travail d’e?criture est arrive? dans un second temps, apre?s toutes ces phases de laboratoire. La difficulte? majeure a e?te? parfois de trouver des traductions the?a?trales a? une e?criture romanesque. La langue du roman re?sistait parfois a? la the?a?tralite?. L’entreme?lement des temporalite?s aurait pu rendre la fable difficile a? comprendre pour des spectateurs de the?a?tre qui n’entendent qu’une seule fois chaque information.
[bt_quote style=”default” width=”0″]Pour les come?diennes qui jouent les filles Lisbon, il y avait un travail tre?s particulier a? mener, en dehors des mots. Comme dans le roman d’Eugenides, elles ne disent dans le spectacle que ce que les garc?ons, ou des te?moignants, les ont entendu dire. Mais il fallait de notre co?te? travailler sur ces trous, sur ces manques. Que pensent-elles? Que ressentent-elles? Que font-elles dans cette maison lorsqu’elles y sont enferme?es? Me?me si les garc?ons les perc?oivent comme « un monstre a? cinq te?tes », qui sont-elles individuellement? Qu’est-ce qui les diffe?rencie?[/bt_quote]
La police, la psychiatrie, les journalistes renoncent a? comprendre ces cinq suicides en se?rie…et ce sont les garc?ons du quartier, anciens voisins et camarades des filles, qui reprennent l’enque?te…incapables d’accepter l’inexplicable. Cette de?marche est davantage, au final, un besoin d’exorciser un traumatisme des vivants pluto?t que de trouver une explication plausible a? ces cinq suicides, non?
Par essence, le suicide est une enque?te impossible: le coupable est aussi la victime, et emporte avec lui/elle son mobile et ses secrets. C’est le mutisme de toute la socie?te? de cette e?poque qui contraint les garc?ons a? re?ouvrir cette enque?te. Avec au de?part le besoin de trouver une explication a? ce qui apparai?t pour tout le monde ( l’entourage, l’appareil judiciaire, la religion, la science, la presse) inexplicable: comment de si jeunes filles pourraient-elles avoir des raisons de se suicider? Alors qu’elles semblent « vierges » de tout motif, alors qu’elles ont l’air de n’avoir encore rien ve?cu. Si ces garc?ons ne renoncent pas a? essayer de comprendre, c’est parce qu’au dela? de l’histoire individuelle, au dela? du fait divers, les suicides des soeurs Lisbon apparaissent comme un point de rupture pour toute une socie?te?. Peu a? peu, tout le monde s’accorde a? dire qu’ils marquent le de?but du de?clin de tout leur quartier.
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Ce roman e?voque effectivement un drame intime mais de?passe aussi ce cadre en mettant a? jour un drame socie?tal…comment, dans votre mise en sce?ne, rendez-vous compte de ces deux dimensions?
C’est l’entreme?lement des temporalite?s qui nous a permis de rendre compte de ces deux dimensions. Alors que les filles Lisbon apparaissaient comme les bouc e?missaires d’une e?poque au moment de leur mort, elles prennent peu a? peu le statut de prophe?tes. Le destin du quartier semble les re?habiliter. Avec le recul du temps, les habitants de Grosse Pointe prennent conscience que leurs morts annonc?aient la de?liquescence de toute une socie?te?: l’effondrement de l’industrie automobile dans cette re?gion du Michigan, la pollution de la plane?te, le sentiment pour toute une tranche de population puritaine ame?ricaine d’une sorte de perte de valeurs morales- les grandes villes venant polluer les petites banlieues tranquilles avec leurs ide?es libertaires, les vagues d’immigration d’une population e?trange?re perc?ue comme dangereuse… Il y a tout un champ lexical de la maladie, de la contamination. En s’ouvrant les veines, Cecilia re?pand « un poison dans l’air », les ormes sont atteint d’une maladie cause?e par un champignon venu d’Europe, Cecilia s’inquie?te de l’extinction de plusieurs espe?ces animales, des nue?es de moucherons infestent les jardins et les maisons… Les me?taphores du fle?au abondent!
[bt_quote style=”default” width=”0″]Alors que les filles Lisbon apparaissaient comme les bouc e?missaires d’une e?poque au moment de leur mort, elles prennent peu a? peu le statut de prophe?tes.[/bt_quote]
Ainsi, au dela? du drame intime, ou du fait divers, il s’agit d’un proble?me national. Ces adolescentes deviennent des symboles de l’adolescence de ce jeune pays qu’est les Etats Unis aux milieu des anne?es 1970, un pays en pleines mutations.
Co?te? distribution : quels ont e?te? vos choix et pourquoi? Quel ro?le joue, par exemple, Evelyne Didi, Dag Jeanneret ou encore Sylve?re Santin…et dans quelle mesure ces acteurs vous semblaient-ils convenir a? ce que vous attendiez du ro?le?
Le premier laboratoire autour de Virgin Suicides date d’il y a quatre ans, alors que je sortais a? peine de l’ENSAD. L’e?quipe est compose?e essentiellement de personnes que j’ai eu la chance de rencontrer pendant mes quatre anne?es dans cette e?cole. Laurie, Vincent, Florent, Valentin et Mathias sont issus de la me?me promotion que moi. Ils e?taient tous les quatre dans mon premier spectacle, Foi, Amour, Espe?rance. Nous nous connaissons tre?s bien dans le travail, nous nous sommes construits, au fur et a? mesure des projets ensemble, une langue commune. Nous avons ve?cu ensemble, et avec Sylve?re Santin e?galement, la cre?ation et la tourne?e de Nobody mis en sce?ne par Cyril Teste. C?a a e?te? pour nous tous une premie?re expe?rience professionnelle tre?s fondatrice. Dans First Trip, les come?diens se filment eux-me?me, et c’est l’appre?hension du travail tre?s particulier du Collectif MxM sur les nouvelles technologies qui nous permet aujourd’hui d’utiliser ce type d’e?criture dans nos propres projets. A? l’e?cole, j’ai rencontre? e?galement Charly Breton, qui est mon collaborateur artistique, et Charles-Henri Wolff qui jouent dans le spectacle une galerie de personnages adultes masculins qui gravitent autour des soeurs Lisbon. Nous avons cofonde? ensemble « le 5e?me quart ». Coline Dervieux nous a rejoint en administration il y a an et demi. Audrey Montpied et Lou Martin-Fernet et Fre?de?rique Dufour sont e?galement des anciennes e?le?ves de l’ENSAD, issues de promotions pre?ce?dentes.
Dag Jeanneret et Evelyne Didi jouent Mr et Mrs Lisbon, les parents des soeurs. Ils ont e?te? tous deux artistes intervenants a? l’ENSAD, ils ont donc e?te? mes « professeurs » lorsque j’y e?tais e?tudiante. ?
Laureline Le Bris-Cep qui joue Bonnie Lisbon, vient de l’ERAC. Je l’ai rencontre?e apre?s l’e?cole, et je lui ai imme?diatement parle? du projet. Pour les filles Lisbon, je cherchais des come?diennes qui ont une pre?sence magne?tique au plateau, capables d’exprimer beaucoup de choses en parlant peu. Margot Madec a rejoint l’e?quipe plus re?cemment. Elle vient de sortir de l’e?cole du Nord, c’est la plus jeune de l’e?quipe et elle joue Cecilia Lisbon, la plus petite soeur qui va se suicider un an avant les autres.
Ce sont tous des acteurs sensibles, dro?les, avec une vraie exigence dans l’appre?hension du travail de texte.
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La vide?o a une part importante dans ce travail. Quel ro?le joue-t-elle pour vous? Comment l’avez-vous conc?ue avec Christophe Gaultier?
La grammaire vide?o du spectacle s’organise autour de deux re?gimes tre?s diffe?rents. Il y a d’une part les vide?os « te?moignages », qui participent de l’enque?te, comme des pie?ces a? convictions. Durant ces vingt-cinq anne?es, les garc?ons sont alle?s interroger beaucoup de personnes: les parents des filles Lisbon, leur grand-me?re, leurs amis, camarades de classe, les voisins du quartier, Trip Fountain qui a e?te? l’amant de Lux Lisbon, le pre?tre de la famille, le psychiatre qui a rec?u trois des cinq soeurs Lisbon, leur dentiste… Ces vide?os, pre?enregistre?es, nous permettent de ramener sur le plateau la foule de personnes qui ont contribue? a? l’enque?te des garc?ons. S’agissant de vide?os capte?es a? des e?poques tre?s diffe?rentes, le traitement de la qualite? de l’image nous permet de signifier le passage du temps ( de la super 8 des anne?es 1970 a? la VHS des anne?es 1990). Il fallait pour ces vide?os amateures trouver une manie?re de filmer maladroite, les jeunes de cette e?poque n’e?tant pas familiarise?s avec ces outils. Ces vide?os sont diffuse?es sur un e?cran LED (l’e?cran score du gymnase du lyce?e qui est investi par les garc?ons au moment de l’e?nonciation).?
Il y a e?galement des vide?os filme?es en direct sur le plateau, par les acteurs eux-me?mes. Ce sont des sce?nes que les garc?ons ont e?te? en mesure de reconstituer parfaitement, car ils les ont ve?cues directement avec les filles ( une boom, un trajet en voiture, un bal de promotion). L’addition de leurs souvenirs subjectifs nous permet d’avoir un plan se?quence de ces sce?nes, filme?es par les enque?teurs en relai de came?ra subjective, comme si nous plongions dans leurs souvenirs. Christophe Gaultier e?tant come?dien, il a su chore?graphier ce relai de came?ra de fac?on tre?s organique, en prenant en compte les contraintes de jeu des come?diens.
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Vous avez travaille? avec des lyce?ens lors du processus cre?atif…la rencontre avec l’adolescence d’aujourd’hui a-t-elle influe? sur votre travail? Les malaises de la jeunesse d’aujourd’hui sont-ils si diffe?rents de ceux de l’Ame?rique puritaine dans le fond?
Le contexte social et culturel est tre?s diffe?rent. Les jeunes avec lesquels nous avons travaille? sont heureusement beaucoup plus libres. Ils ont une connaissance plus intime du sexe oppose?. Cependant, un grand nombre de malaises de la jeunesse ame?ricaine des anne?es 1970 de?crits dans le roman restent d’actualite?: un sentiment de mal-e?tre, souvent difficile a? de?crire, la difficulte? a? communiquer avec les autres et en particulier avec les adultes, le choc des ge?ne?rations, le poids de la religion dans certains pays ou dans certaines familles, le sentiment de ne pas toujours pouvoir de?cideer re?ellement de son avenir, une forme de pression face a? un devoir de re?ussite… Aujourd’hui encore, le suicide reste la seconde cause de mort chez les 15-24 ans aux Etats-Unis, et deux fois plus de filles font des tentatives.Il y a un tre?s beau film de Deniz Gamze Ergu?ven, datant de 2015, et s’appelant « Mustang », qui apparait comme une re?e?criture de Virgin Suicides dans la Turquie contemporaine.
Il y aura donc des lyce?ens sur le plateau…?
Oui! Il y aura vingt lyce?ens issus du lyce?e Jean Monnet, dans lequel nous avions pre?sente? une premie?re e?tape de travail il y a deux ans. Lors de la cre?ation a? Grenoble, nous avons travaille? avec un groupe de jeunes, toute une partie du spectacle se de?roulant dans une HighSchool. Ils ont cre?e des parcours de pre?sence, qui insufflent une vitalite? tre?s forte au spectacle. Ils incarnent cet appe?tit de vivre dont parle pre?cise?ment le roman. Dans chaque ville, nous rencontrons des jeunes en amont des repre?sentations, nous re?pe?tons avec eux quelques jours avant, afin de les pre?parer a? cette expe?rience.
?[bt_quote style=”default” width=”0″]Dans chaque ville, nous rencontrons des jeunes en amont des repre?sentations, nous re?pe?tons avec eux quelques jours avant, afin de les pre?parer a? cette expe?rience.[/bt_quote]
….pourriez-vous nous expliquer le choix du titre de votre pie?ce? « First Trip »?
Litte?ralement, cela signifie « premier voyage ». Dans le roman, il est question de toutes les premie?res fois que l’on vit a? l’adolescence: le premier baiser que l’on e?change, la premie?re expe?rience sexuelle, la premie?re cigarette ou les premiers joints, la premie?re fois ou? l’on boit de l’alcool… Tous les interdits que l’on brave pour vivre ces premie?res expe?riences marquantes, fondatrices dans notre expe?rience. Un « trip », c’est e?galement une hallucination. Ces garc?ons ne cessent de fantasmer sur ces filles, et de fantasmer leur vie. C’est aussi une e?vocation de la musique de cette e?poque, du rock’n roll et des drogues qui y e?taient associe?es. ? Enfin, il y a tout un motif du voyage dans le roman: le trajet en voiture des garc?ons et des filles Lisbon pour aller au bal de promo est une sce?ne d’un extre?me sensualite?, c’est dans la voiture de Trip ( encore un!) que Lux l’embrasse pour la premie?re fois. Pendant leur claustration les filles se font livrer des magazines de voyages pour re?ver d’un ailleurs; avant de se suicider, les filles sont surprises en train de faire leur valise, lors de leur dernie?re nuit, elles invitent les garc?ons a? venir les chercher pour partir en Floride. Mais la valise se re?ve?le e?tre en re?alite? un contrepoids pour la pendaison de Bonnie. Et c’est dans la voiture de ses parents, asphyxie?e, que Lux fait finalement son dernier voyage.
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Enfin… votre travail autour de « Virgin Suicides » a-t-elle suscite? une re?flexion spe?cifique autour de la Femme? Ce sont en effet cinq soeurs qui se sont suicide?es…leur volonte? d’en finir peut-elle avoir eu un lien avec leur re?alite? de fille? Ou cette proble?matique n’a pas e?te? centrale dans votre de?marche dramaturgique?
C?a a e?te? une proble?matique centrale dans notre de?marche dramaturgique. C’est a? travers le regard de ce groupe de garc?ons ayant sensiblement le me?me a?ge que les soeurs Lisbon que l’on prend conscience de leur re?alite? de filles. En lisant le journal intime de Cecilia que l’un d’entre eux a vole? apre?s sa mort, ils de?couvrent ce qu’est le quotidien d’une jeune fille, que l’on e?duque a? devenir une femme au foyer, une me?re de famille, pendant qu’eux peuvent jouer pendant des heures dans leur jardin. Peu a? peu, ils ressentent « la sensation d’e?tre en prison qu’e?prouve toute fille » de leur a?ge. Les filles Lisbon apparaissent comme les premie?res adolescentes, comme si la guerre du Vietnam, en mobilisant les jeunes hommes sur le front, avait provoque? l’e?mergence d’une nouvelle re?alite? fe?minine: des jeunes filles, a? peine sortie de l’enfance, mais qu’on ne peut pas encore marier. Il y a chez chacune des filles Lisbon un tre?s fort de?sir d’e?mancipation, s’exprimant de leur vivant de fac?ons tre?s diffe?rentes mais trouvant au final la me?me re?solution.
First Trip
Traduction : Marc Cholodenko
Adaptation : Katia Ferreira et Charly Breton
Mise en scène : Katia Ferreira
Collaboration artistique : Charly Breton, Mathias Labelle et Charles-Henri Wolff
Dramaturgie : Charly Breton
Avec : Laurie Barthélémy, Evelyne Didi, Florent Dupuis, Frédérique Dufour, Dag Jeanneret, Mathias Labelle, Laureline Le Bris-Cep, Margot Madec, Lou Martin-Fernet, Audrey Montpied, Valentin Rolland, Sylvère Santin, Vincent Steinebach, Charles-Henri Wolff
Réalisation vidéo : Christophe Gaultier
Musique originale : Florent Dupuis
Photos : Marie Clauzade, Florent Dupuis, Pascale Cholette
Un spectacle du 5ème quart | Production MC2: Grenoble | Coproduction MC2: Grenoble, Le 5ème quart, Printemps des comédiens, Théâtre de l’Archipel – Scène nationale de Perpignan, Théâtre de la Cité – Centre dramatique national Toulouse Occitanie | Résidence Les 13 vents – CDN Montpellier, Les studios de Virecourt | Le spectacle est soutenu par La Maison Louis Jouvet / ENSAD (École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier Languedoc-Roussillon), Le CENTQUATRE-PARIS, La Spedidam | Avec le soutien et l’accompagnement du Collectif MxM, tout particulièrement, Cyril Teste, Julien Boizard et Anaïs Cartier | Remerciements : Guillaume Allory, Thibault Lamy, Jason Razoux, Paul Poncet, Camille Soulerin, Victor Assié, Nica de Wilde, le collectif la carte blanche, Ariel Garcia-Valdes, Evelyne Correard, Gildas Millin, Mustapha Tuil, Sylvie Suire, Guillaume Vincent, Valérie Grall, Céline Gaudier, Sandrine Hutinet, Philippe Gayola, Ina Kang, Quentin Chesnais, Sarah Bornstein, Lucie Ben Bâta, Wanda Wellard, Piotr, Blanche Adilon, Maud Paschal, Erik Truffaz, Daniel Martin, Pauline Collin, Morgan Lloyd Sicard, Maxime Taffanel, Rébecca Truffot, Marion Held-Javal, Michel Labelle, Marion Montel, Jacques Baylet, le Bowlingstar de Montpellier, le lycée Jacques Decour à Paris, Frédéric Birault, mon-uniforme-scolaire.com, les Hurricanes de Montpellier, HD Diner – Opéra et le Stade Maurice Rigaud d’Albi | Administration, production : Le 5ème quart Coline Dervieux.
Dates et lieux des représentations:
– Les 7 et 8 juin 2019 au Théâtre Jean-Claude Carrière- Printemps des Comédiens – Montpellier
– Du 20 au 22 novembre 2019 – Le Tandem, Scène Nationale d’Arras Douai
– Les 31 janvier et 1 er février 2020 – Scène Nationale Sénart
– Les 6 et 7 février 2020 – L’Archipel, Scène Nationale de Perpignan
– Le 14 février 2020 – Théâtre des Salins, Scène Nationale de Martigues
– Du 12 au 22 mars 2020 ( relâche les 15 et 16) – Le Montfort – Paris
– Du 31 mars au 2 avril 2020 – MC2 – Grenoble

